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ÉTUDE

"Cette retraite, nous n'en voulons pas" : nos convictions

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Alors que le gouvernement annonce le report de la réforme des retraites suite à un trimestre de catastrophe sanitaire et que la France entre en crise économique, l’incertitude plane toujours autant sur l’avenir de notre système de retraite.

"de toute façon, la retraite, nous n'en aurons pas"

Mais au-delà, du "système", des "réformes", de "l'âge de départ" ou des "montants des pensions", depuis bien longtemps le moment du départ en retraite n’est plus perçu par les générations actives comme un acquis qui va de soi ou comme un eldorado à venir qui conclurait des décennies de labeur. À tel point qu'il existe un mantra bien ancrée dans l'esprit des jeunes générations, annonçant de concert : "de toute façon, la retraite, nous n'en aurons pas". Ces paroles péremptoires ont été le point de départ de notre analyse pour comprendre la retraite du futur et former nos convictions.

Un engrenage d'influences

Pris au premier degré, ces mots sont très alarmants : ils disent le manque de confiance d'une population en son avenir et celui de son système social et révèlent un fatalisme profond teinté de pessimisme (qui démontre, au passage, la méconnaissance du fonctionnement de la retraite en France). Ces mots sont peut-être nés des derniers cycles économiques modernes, où des crises succèdent à d'autres crises, bouleversant fréquemment et à marche forcée les sociétés et les individus qui les composent (la crise sanitaire en étant la dernière illustration).

La France n'échappant pas à ces turbulences, notre modèle social, étendard national, a dû modifier progressivement certains de ses paramètres. C'est ainsi qu'on observe par exemple une libéralisation du domaine de la protection sociale (et un désengagement progressif de l'État) ou, autre exemple, un assouplissement des statuts professionnels et de leur couverture sociale (le statut d'auto-entrepreneur en est une illustration), le tout générant de l'incertitude sur ses droits.

Dans le même temps, et suivant le même engrenage cyclique évoqué ci-dessus, la société évolue. Ainsi, quelques constats sont bien connus : vieillissement structurel de la population qui entraine un dérèglement de la pyramide des âges, éclatement géographique des cellules familiales qui isole les individus au moment du grand âge, auquel s'ajoute la désertification du territoire hors zones urbaines. À ceci, il faut encore ajouter une mauvaise gestion de la dépendance1 et des droits des aidants en France pour accompagner ses vieux jours.

"cette retraite, nous n'en voulons pas"

Complexité et incertitude… Face à ce constat sombre, ne faut-il pas plutôt traduire "la retraite, nous n'en aurons pas" par "cette retraite, nous n'en voulons pas"?

Suivant une loi humaine séculaire du "mieux vivre", les dispositifs en place ne dessinent plus un horizon positif. C'est pourquoi nous croyons en un changement de paradigme touchant au passage à la retraite, et à l'émergence de la figure du "retraité stratège" qui souhaite reprendre la main sur un risque qu'il maitrise peu ou mal, se traduisant :

  • Par un besoin de sécuriser sa vie de senior (financièrement, et au-delà) ;
  • Par le pouvoir de façonner en partie cette nouvelle vie : âge de départ, projets, occupations, préparation de sa dépendance, lieu de vie.

Nos 3 convictions

Plus concrètement et devant ce constat, nous avons forgé trois convictions sur l'évolution des besoins des actifs :

Améliorer la couverture financière de sa retraite

Face à la baisse promise des pensions de retraite, et alors que les produits de retraite supplémentaire concentraient une activité de niche (besoins de professionnels indépendants ou de défiscalisation pour les produits individuels / grandes entreprises pour les collectifs), la mise en œuvre du nouveau PER2 doit permettre enfin l'éclosion de ce marché.

Nous sommes convaincus que l'entreprise (en englobant tout le tissu de l'entreprise : depuis la structure individuelle jusqu'au grand groupe) sera le principal vecteur de ce développement et ce pour plusieurs raisons :

  • L'entreprise peut accompagner et faciliter l'effort d'épargne imposé pour constituer une rente ou un capital "utile" au moment du départ en retraite ;
  • La possibilité pour l'entreprise de diversifier son offre RH (en termes de protection sociale), voire sa politique de rémunération (dispositifs défiscalisés d'épargne salariale ou d'intéressement) ;
  • La portabilité du nouveau PER, qui épouse très bien les nouveaux comportements et statuts professionnels.

Cette tendance nous semble tellement naturelle que nous voulons aller plus loin : et si, à l'instar des complémentaires santé, les dispositifs d'épargne retraite devenaient obligatoires pour l'entreprise ?

S'assurer de bien vieillir

Selon nous le passage à la retraite ne se vit déjà plus comme une rupture, comme un "départ" en retraite. La soixantaine est plutôt le moment d'aménager un nouveau parcours de vie, axé le plus possible sur soi. Ce parcours se construit en deux phases qui font échos à des besoins différents :

  • La première phase vise à profiter, réaliser des « projets passion » (voyages, achats,...) ou à continuer une activité professionnelle de manière volontaire (pour s'occuper ou se lancer enfin dans l'entrepreneuriat sans risque) en conservant malgré tout des contraintes : s'occuper de parents très âgés, aider ses enfants à démarrer dans la vie ou conserver un emploi en cas de difficultés financières. Finalement cette première phase fait directement écho à la couverture financière accumulée (voir conviction 1) ;
  • La seconde se déclenche au moment où vivre le quotidien en autonomie n'est plus possible, lorsque le "grand âge" arrive. Devant cet épouvantail que constituent aujourd’hui les maisons de retraite en France (synonyme de dépendance, de maladie et d’isolement), le pouvoir d’achat ne sera pas la seule préoccupation des individus : leur santé et leur autonomie, leur lien avec les autres et leur « utilité sociale » feront assurément l’objet des mêmes calculs (pour eux et peut-être aussi pour leurs proches en situation de dépendance). Une offre existe aujourd'hui  mais elle est jugée trop souvent négativement car inaccessible (car chère ou éloignée de son réseau social), générique (ne répondant pas à des situations de dépendances spécifiques) et déshumanisante. Le secteur de la silver-economy lance de multiples initiatives pour contrer ces tendances mais cela reste encore de "petits" opérateurs qui investissent principalement sur un axe technologique et digital.

Être accompagné par des spécialistes de manière individualisée

Bien sûr des acteurs répondront aux nouveaux besoins de financement et de service (évoqués en conviction 1 et 2). Pour autant, une stratégie retraite ne se construit pas seul et leur rôle de conseil sera d'autant plus important que les situations, en même temps que les besoins, s'individualiseront.

En premier lieu, ces acteurs devront être capables d'informer de manière globale et fiable l'individu face aux différents financements et conditions de sa retraite (estimation du montant de toutes ses pensions, scénarios sur l'âge de départ,…). Ce niveau d'accompagnement est d'ores et déjà à l'œuvre dans le monde des régimes obligatoires grâce aux travaux inter-régimes qui centralisent de plus en plus l'information et la gestion (la mise en œuvre d'un régime unique, s'il a lieu, achèvera cette dynamique). Chez les bancassureurs de l'épargne-retraite, cette dynamique est également en marche avec le développement de simulateurs retraite ou la montée en compétence progressive des conseillers sur le domaine de la retraite obligatoire (suite au lancement des nouveaux PER notamment).

Bientôt, et plus spécifiquement pour le domaine de la retraite supplémentaire, ces acteurs du conseil en retraite devront être capables de dessiner une véritable stratégie retraite pour leurs clients afin de répondre à des besoins divers visant à préparer leurs futures vies de seniors tels que, par exemple, le souhait de ne pas reculer l'âge de départ à la retraite au-delà de l'âge légal (comment financer alors une décote de sa pension obligatoire ?) ou de financer un projet de tour du monde en même temps qu'une éventuelle dépendance (quelle stratégie financière appropriée ?).

La retraite ne sera donc plus ce rite de passage obligatoire (et administratif) que l'on attend comme un ticket de sortie prometteur. Elle se matérialise désormais davantage comme un rebond d'un parcours de vie qui continue sur plusieurs décennies dans des directions choisies. Pour autant, ce rebond sera d'autant plus confortable et épanouissant s'il est préparé : réforme ou pas, le système social ne protègera plus comme avant et implique de reprendre individuellement la main sur les instruments mis à disposition, et le plus tôt possible.Alors oui, "la retraite, nous en aurons une", mais elle ne fera plus de nous des retraités.

Romain Scoté, le 18.06.2020

1 Malgré le vote, il y a peu, à l'Assemblée Nationale du principe d'un cinquième risque (dépendance) mais dont le financement pose encore question.

2 PER : Plan Epargne Retraite, nouveau dispositif issu de la loi PACTE transformant l'ensemble des anciens produits d'épargne-retraite (PERP, Madelin, PERCO, Art.83) en un PER unique contracté de manière individuelle ou collective et alimenté le cas échéant de versements volontaires, obligatoires ou issus de l'épargne salariale.

Crédit photo : Philippe Leone sur Unsplash

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