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INNOVATION

ÉTUDE

Enquête : la réalité de l'innovation dans la protection sociale

L’open innovation a le vent en poupe depuis quelques années, et elle s’immisce dans tous les secteurs d’activité, y compris la protection sociale – autant chez les acteurs publics que privés. On constate en tout cas depuis une dizaine d’années dans tous les secteurs une forte volonté de part et d’autre de créer des rapprochements, avec le fleurissement d’incubateurs d’entreprises, de labs, de concours, etc.Nous avons réalisé une enquête auprès de nos clients pour recueillir le point de vue de plusieurs acteurs de la protection sociale sur l’innovation dans ce secteur.

En 2020, la digitalisation reste un défi dans le secteur.

Pour la majorité des répondants, l’innovation majeure de ces dernières années en protection sociale est la digitalisation des prestations et des méthodes de travail. Rien de bien nouveau vous nous direz, mais cela témoigne il nous semble de la difficulté criante pour des institutions d’adapter processus, culture et métier aux innovations. D’où la volonté de se rapprocher de petites structures innovantes et le doux rêve de changer sa propre organisation grâce à leur simple contact.

Malheureusement, la collaboration n’est pas toujours aisée et les deux mondes ne parlent pas toujours le même langage : de par sa complexité en termes de législation, d’environnement informatique et data, de multiplicité des acteurs et des rôles, il n’est pas aisé pour un acteur externe de comprendre finement les enjeux concrets du secteur de la protection sociale. Et inversement, il n’est pas rare que les acteurs de l’écosystème de l’innovation soient perçus comme simples outils de communication par des acteurs institutionnels présents de longue date dans le paysage français. Le directeur d’un organisme de protection sociale en témoigne : « L'incompréhension est réciproque : l'appréhension par les acteurs institutionnels du fonctionnement de l'écosystème d'innovation et sur sa capacité d'accompagner des transformations est faible. Elle se résume souvent soit à une image purement outil voire "gadget" et n'est pas intégrée en tant que telle dans le processus de réflexion sur l'évolution des métiers et du service. »

L'écueil de l'open innovation hors-sol.

Si nos répondants indiquent qu’ils sont globalement pour l’innovation ouverte,  seuls 17% d’entre eux y ont recours dans le cadre de leur activité et seule une petite majorité (57%) se considère familière avec le concept. Plusieurs d’entre eux expliquent par ailleurs que cela ne doit pas selon eux – et nous partageons leur point de vue – être le seul vecteur d’amélioration des services et processus : il est crucial également de favoriser l’innovation en interne et  de travailler sur sa propre organisation. Il est en effet nécessaire d'avoir une approche holistique dans sa démarche d'open innovation pour que celle-ci soit efficace. Une approche holistique en open innovation, cela signifie penser à la fois son environnement externe et interne. Comment mon organisation s’ouvre-t-elle vers l’extérieur et est-elle perméable à ces agents externes ? Comment le principe d’innovation ouverte s’applique-t-il entre les différents services de mon organisation ?

Monter des labs, participer à des événements de type hackathon, organiser des grands concours de startups… toutes ces initiatives constituent des outils utiles à la phase de sensibilisation des collaborateurs à l’innovation, mais cela ne suffit pas si l’apport d’idées extérieures reste bloqué à l’entrée par une organisation trop fermée, trop rigide pour les intégrer. C’est pourquoi il est essentiel de travailler également sur les méthodes de management internes à l’organisation et sur l’acculturation dans le temps des différents services et départements à l’innovation, pour qu’elle ne soit pas uniquement réduite à un organe détaché.

"Revenir à l'essentiel et ne pas courir sans cesse après l'Innovation avec un grand I".

L’une des clés avancée par la quasi-totalité de nos interlocuteurs est la réflexion centrée-utilisateur : « Sans aller jusqu'à l'innovation disruptive, les innovations qui répondent juste à un besoin seraient précieuses : il faudrait être réellement à l'écoute des besoins utilisateurs... », précise une directrice de la relation client.Ce témoignage exprime aussi une nécessité de revenir à l’essentiel et de ne pas courir sans cesse après l’Innovation avec un grand « I ».

C’est en se recentrant sur sa raison d’être et sur sa valeur ajoutée au sein de son écosystème que l’institution pourra avoir un impact réel. Et pour cela, il convient de repenser à l’alignement des intérêts des différents acteurs. Un répondant explique par exemple qu’il est important de « toujours lier les résultats obtenus aux gains pour la structure (en image, en charge de travail, en satisfaction usagers ou collaborateurs, ...). La communication interne / externe est rarement bien pilotée par les organismes ou institutions. » Un directeur opérationnel d’une assurance santé ajoute : « la place [de l’innovation au sein de la protection sociale] est faible car les intérêts entre les parties prenantes (employés, employeur, assureur, ...) ne sont pas alignés. »

C’est donc finalement bien en s’appuyant sur le sens originel du terme « social » : "Qui intéresse les rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité", que le secteur de la protection sociale pourra s’adapter au mieux à notre environnement évolutif, intégrer les nouvelles modalités d’organisation et de collaboration, et construire son propre avenir.

La rédaction de cet article s’appuie sur l’enquête « Votre avis sur l’innovation », réalisée par YCE Partners du 25 mai au 13 juin 2020, adressée à 56 acteurs de la protection sociale.

Apolline Morelle, Marc Belloncle, le 26.06.2020

Crédit photo : Werner Du plessis sur Unsplash

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