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FINANCEMENT ET DONNÉES SOCIALES

INTERVIEW

La parole à un client : Entretien avec Jérôme Joie Responsable délégué de la mission interministérielle chargée du pilotage du système de collecte et d'utilisation des données sociales (MIDS)

 

Jérôme Joie intervient depuis plus de 10 ans sur la déclaration sociale nominative (DSN) et sur PASRAU. Il revient sur ces outils centraux qui permettent la gestion du financement de la protection sociale, le calcul des droits des individus (retraite, maladie, ATMP, chômage, formation) et la modernisation des prestations sociales, ainsi que sur la façon dont YCE Partners accompagne la mission interministérielle pour la réalisation de ces réformes majeures de notre système de protection sociale.

 

 

YCE PARTNERS : La mise en place du CSQ découle de la création de la MIDS, la mission interministérielle chargée de piloter la DSN, PASRAU et le DRM. Vous avez assisté à la naissance de cette nouvelle organisation. Pouvez-vous nous expliquer son rôle, et la fonction que vous y assurez en tant que responsable délégué à la sécurisation globale ?

J. JOIE : La mission interministérielle chargée du pilotage du système de collecte et d’utilisation des données sociales (MIDS) a été créée en décembre 2023. Deux objectifs principaux lui ont été assignés. Premièrement, elle doit garantir une coordination d’ensemble en veillant à la cohérence des données sociales. De ce point de vue, elle assure le pilotage stratégique de trois systèmes d’information cruciaux pour le fonctionnement du système social et fiscal français : le système de collecte et de distribution des données issues de la paye, portées par la déclaration sociale nominative (DSN), le système de collecte et de distribution des données issues du versement des revenus de remplacement (prestations sociales, pensions de retraite, chômage etc.),déclarées via PASRAU et le dispositif de ressources mensuelles (DRM), qui met à disposition des organismes de protection sociale et des administrations les données de la DSN et de PASRAU, dans le cadre des projets de modernisation des prestations. A l’avenir, il est également prévu que le DRM soit alimenté par d’autres sources pour étendre davantage la modernisation des prestations sociales. Cela consiste à définir le périmètre de ces trois systèmes, à déterminer leurs feuilles de route annuelles et pluriannuelles, et à rendre l’ensemble des arbitrages. Ce pilotage stratégique suppose donc d’arbitrer les demandes des différentes parties prenantes tout en respectant la promesse de simplification portée par la DSN, en sécurisant le bon fonctionnement de ces trois systèmes, en améliorant sans cesse la qualité des données déclarées grâce à divers chantiers de fiabilisation, et en optimisant le juste calcul des droits sociaux et de certains impôts.

Deuxièmement, la MIDS est chargée d’associer l’ensemble des parties prenantes à laco-construction du système : déclarants DSN (employeurs privés et publics, tiers déclarants et éditeurs de logiciel de paye), déclarants PASRAU (ensemble des organismes versant des prestations), administrations fiscales et sociales, organismes de protection sociale, utilisateurs des données, et opérateurs de la collecte et de la mise à disposition des données.

 

 

YCE PARTNERS : Cela fait maintenant un peu plus de 10 ans que la DSN a été lancée, et que vous participez à ces travaux. Quels ont été, selon vous, les impacts majeurs de la mise en œuvre de la DSN, de PASRAU et du DRM sur l’écosystème de la protection sociale ?

J. JOIE : La DSN a été pensée et conçue initialement pour simplifier les relations entre les entreprises et les organismes de protection sociale. Cet objectif n’a jamais été remis en cause et peut même être considéré comme atteint, selon les sondages effectués auprès d’un panel important d’entreprises par le GIP-MDS, l’organisme qui assure le pilotage opérationnel de la DSN et de PASRAU. Plusieurs éléments contribuent à l’atteinte de cet objectif, mais il est évident que les travaux menés sur la normalisation des données ont fortement favorisé cette simplification tout en impactant l’écosystème de la protection sociale.

Au-delà d’un apport de simplification des données dont la déclaration est demandée aux employeurs, cette normalisation a en effet favorisé la compréhension mutuelle des missions exercées par les différents organismes, qui peuvent dorénavant échanger via « une langue » commune autorisant plus largement un partage des données, celles-ci étant dorénavant normées et définies de manière non équivoque pour l’ensemble de la sphère sociale.

Ces travaux de normalisation menés depuis le lancement de la DSN, ont ainsi renforcé des travaux relatifs à l’interopérabilité des systèmes d’information des différents organismes, favorisant ainsi le lancement de plusieurs projets inter régimes.

La qualité des données DSN, sur lesquelles s’appuient dorénavant les organismes pour exécuter leurs missions, constitue également une évolution importante au regard des pratiques déclaratives antérieures. Une source unique de données facilite en effet l’application de contrôles de qualité profitable pour l’ensemble des destinataires et fondée sur unecompréhension commune de la réalité métier liée à chaque donnée. Cette logiquenous permet désormais de travailler à la mise en place d’un message retour (CRM) transmis aux déclarants après le dépôt de la déclaration qui serait inter-régime : il présentera le résultat des contrôles métiers effectués par différents destinataires des données dans une seule et même « enveloppe », pour en faciliter la prise en compte par les déclarants ( et l’éventuelle correctiondes anomalies constatées). Ce message commun, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, illustre la façon dont la DSN a permis l’émergence d’un écosystème commun, au bénéfice de l’ensemble des organismes de protection sociale comme des déclarants qui verront leurs procédures simplifiées, et des individus dont les droits seront encore mieux gérés qu’ils ne le sont actuellement.

La DSN, et l’exploitation de toute sa potentialité, a ainsi permis aux organismes de moderniser leurs SI, de permettre aux allocataires de disposer d’une vision consolidée de leurs carrières, de mieux appréhender les informations sur la réalité de leurs droits, voire, avec la mise en place du DRM, de déterminer de manière automatique leur éligibilité à certains droits.

 

YCE PARTNERS : Comment faire pour gérer un projet SI de grande ampleur dans le contexte d’un modèle social qui évolue en permanence ?

J.JOIE : Nous observons en effet, depuis déjà de nombreuses années, la mise en œuvre de multiples réformes successives dans la protection sociale, dont certaines impactent la DSN. La MIDS doit donc être vigilante quant à l’impact de ces réformes sur les principes qui fondent la DSN et ses acquis, afin de réussir à les articuler de manière à préserver et renforcer les apports de simplification déjà gagnés grâce à la DSN. Afin de sécuriser non seulement l’application de ces réformes mais également ses impacts éventuels sur la DSN, la MIDS, via la mise en place d’un comité chargé de la simplification et de la qualité des déclarations des données sociales (CSQ), a proposé l’installation d’une instance, réunissant les principaux acteurs (entreprises, éditeurs, organismes, etc.) qui peut être sollicitée dès lorsqu’un projet de réforme, en adhérence avec les principes cadrant la DSN, est envisagé cette instance, grâce à la mobilisation d’experts, doit permettre ainsi d’apprécier la praticabilité d’une réforme, d’anticiper sa traduction dans la DSN, voire de remonter des alertes en amont de la publication des textes. Cette instance a par exemple, été mobilisée dans le cadre du projet « Simplification » porté par le ministre de l’économie de l’époque au printemps 2024, afin d’éclairer la prise de décision.

YCE PARTNERS : La DSN, PASRAU et le DRM sont des systèmes d’information complexes liant de très nombreux partenaires (plus de deux millions d’entreprises qui déclarent chaque mois des données transmises à plus de 800 organismes de protection sociale ou administrations) autour d’objets parfois compliqués techniquement et règlementairement. Selon vous, quelles sont les clés pour maîtriser les risques techniques ou organisationnels liés à la maintenance et à l’évolution de ces systèmes ?

J.JOIE : La DSN, PASRAU et l’utilisation des données par les organismes de protection sociale pour le calcul des droits (via le DRM), ou le prélèvement de l’impôt sur le revenu, s’appuient en effet sur des architectures complexes de déclaration, de collecte, de distribution et d’exploitation. Compte tenu de l’interdépendance croissante des systèmes utilisés, des exigences de fiabilité « quasi-temps réel » et des risques potentiels associés, la MIDS a construit en 2024 une démarche globale de maîtrise des risques visant à sécuriser la collecte et l’usage des données dans un contexte où ces dispositifs doivent être accessibles de façon régulière tout en évoluant au gré des besoins, réformes ou autres nécessités nécessitant la mise en œuvre d’évolutions techniques ou applicatives de façon quasi continue.

Les travaux initiés par la MIDS doivent garantir un niveau defonctionnement maximal de ces dispositifs en s’appuyant sur une matrice répertoriant les risques principaux. Celle-ci a été coconstruite avec les partenaires de l’écosystème (opérateurs des SI, éditeurs de logiciels de paie, représentants des employeurs et tiers-déclarants, organismes déclarant les prestations, organismes et administrations consommateurs des données sociales, etc.).

21 risques ont ainsi été identifiés, structurés en fonction de leur positionnement dans le parcours de la donnée (« production et déclaration de données sociales de qualité », « traitement, diffusion et contrôle des données » et enfin « gestion des changements ») et répartis en 6 natures distinctes (qualité des données, aspects techniques, sécurisation SI, respect des principes de fonctionnement, gouvernance ou risque financier, dimension juridique).

La matrice des risques et le plan d’actions associé font l’objet d’un suivi permanent par la MIDS. En cas de survenance d’un risque majeur, un point est ainsi rajouté à l’ordre du jour des instances de pilotage par la MIDS pour informer les partenaires, passer en revue les actions mises en place pourrésorber ce risque et éventuellement identifier collectivement les mesures permettant une meilleure maitrise évitant la reproduction de ce risque.

Depuis la mise en place de cette matrice, plusieurs mesures ont été ajoutées dans ce plan d’action, principalement en lien avec la sécurisation technique de ces dispositifs, dont bien évidemment les risques cyber qui constituent aujourd’hui une grande menace pour la sécurisation de l’ensemble des données transitant ou stockées dans ces SI.

 

YCE PARTNERS : Même si ces systèmes (DSN, PASRAU, DRM) sont inconnus du grand public, nous sommes tous directement concernés car ils véhiculent les données de tous les actifs et de tous les bénéficiaires du système de protection sociale et de prestations sociales français. Quels sont les chantiers principaux que la MIDS pilote actuellement, et ceux qu’elle prévoit pour la période à venir ?

J. JOIE : Le premier chantier à évoquer est sans nul doute la solidarité à la source, un chantier de modernisation et de simplification des démarches d’accès au RSA et à la prime d’activité. Il s’agit d’un engagement du Président de la République. Sur le même principe que le « prélèvement à la source (PAS) » pour les impôts, rendu possible grâce à la DSN et PASRAU, la « solidarité à la source » vise, pour les prestations sociales, à simplifier les démarches pour les usagers et faciliter l’accès aux droits, mais aussi à garantir le versement du juste droit grâce à un calcul fondé sur des données plus fiables, à diminuer les indus et les rappels grâce à la fiabilisation des données utilisées, et enfin à intensifier la lutte contre le non-recours aux droits lié à l’abandon des démarches administratives.

Cette réforme ambitieuse, qui se déploie de façon progressive, s’appuie sur le DRM (lui-même alimenté par les flux DSN et PASRAU). Les données véhiculées par ces deux dispositifs permettent depuis la généralisation de la solidarité à la source en mars 2025, de simplifier, pour plus de 6 millions de personnes, les démarches administratives pour obtenir le RSA et la prime d'activité, et mettre à jour les données utilisées pour le calcul du montant d’allocation. A la place de saisir tous les trimestres l'ensemble des revenus de leur foyer, les allocataires du RSA et de la prime d'activité accèdent dorénavant sur le site de la Caisse d'AllocationsFamiliales (CAF) ou de la caisse MSA dont ils dépendent à une déclaration de ressources préremplie, comme c'est déjà le cas pour les déclarations d'impôt. Les allocataires n'ont plus qu'à vérifier et valider.

Ce chantier, impactant directement les droits des citoyens, justifie de s’attaquer de manière encore plus volontariste à la qualité des données transmises, de façon à s’assurer que la situation, parfois singulière, des salariés est répercutée de manière juste dans la DSN et PASRAU. Plusieurs projets en cours ou déjà en production ont ainsi pour objectif de mieux sensibiliser les déclarants sur les écarts constatés en proposant par exemple des messages retours (CRM ou comptes-rendus métiers) normalisés directement intégrables par les logiciels de paie, éclairant ainsi le gestionnaire de paie sur les écarts constatés et les corrections à réaliser. Le futur CRM inter-régime, évoqué plus haut, devrait également contribuer à une amélioration de la qualité des DSN. Enfin, en cas d’anomalies persistantes et non-corrigées malgré les retours assurés par les organismes, une DSN dite « de substitution » et corrigeant ces écarts sera produite par l’Urssaf et la Mutualité Agricole (CCMSA). La première DSN de substitution sera transmise dès ce printemps.

Ces nombreux projets, nécessaires pour garantir une exactitude des données transmises, mobilisent l’ensemble des organismes de protection sociale. L’Etat a ainsi inscrit dans les conventions d’Objectifs et de Gestions (COG) 2023-2027 des organismes de sécurité sociale cette nécessité de pouvoir sécuriser la qualité des données, entrainant ainsi le lancement de plusieurs projets fonctionnels et techniques.

La modernisation de la protection sociale va se poursuivre durant les prochaines années car les organismes continuent d’identifier des opportunités pour moderniser leur SI au bénéfice des citoyens.

D’une manière plus générale, et ceci constitue un des objectifs de la MIDS, il s’agit dorénavant de profiter de tout le potentiel de la DSN pour continuer la mise en œuvre de réformes ambitieuses tout en veillant à ne pas remettre en cause les principes de simplification portés parla DSN, voire même en les consolidant.

 

YCE PARTNERS : Qu’est-ce qui a motivé le choix de la MIDS de se faire accompagner par YCE PARTNERS ?

J. JOIE : YCE PARTNERS possède à la fois une expertise de la DSN et de PASRAU, projets qui mobilisent certains consultantes ou consultants depuis son lancement, et une très bonne connaissance de la protection sociale et des enjeux stratégiques qui la caractérisent. Ces éléments constituent naturellement des atouts précieux dans l’exercice de leurs missions. Nous le constatons au sein de la MIDS avec une mobilisation des équipes d’YCE dans l’analyse des besoins d’évolutions de la DSN ou de PASRAU transmis chaque année par les organismes. Il s’agit, alors que le nombre de ces besoins demeure à un niveau élevé, de déterminer, en accompagnement des responsables de la MIDS, la recevabilité de ces besoins au regard d’un cadre règlementaire, d’une poursuite de la simplification, d’une amélioration importante de l’offre de service d’un partenaire ou en lien avec des évolutions plus ambitieuses ou stratégiques. Depuis l’intervention de YCE au côté de la MIDS en 2023, ce sont ainsi plus de 240 besoins qui ont été analysés et qui, dès lors qu’ils sont validés pour être intégrés dans les feuilles de route annuelles DSN et PASRAU, font l’objet d’un suivi attentif par les collaborateurs de la mission et les équipes d’YCE. Le professionnalisme et l’implication dont font preuve les consultantes et consultants d YCE PARTNERS valident le choix de la MIDS de retenir YCE pour l’accompagner dans l’exécution de ses missions, nombreuses et stratégiques.

 

Pour aller plus loin : début avril, le premier rapport annuel du comité chargé de la simplification et de la qualité des déclarations des données sociales (CSQ) a été publié. Il porte le bilan des travaux réalisés en 2024 dans le cadre d’une nouvelle gouvernance mise en place pour renforcer le pilotage par l’Etat des systèmes DSN, PASRAU et DRM.

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