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FINANCEMENT ET DONNÉES SOCIALES

ÉTUDE

La réforme des aides au logement : un premier pas vers la délivrance en temps réel des prestations sociales

La réforme des aides au logement[1], reportée plusieurs fois depuis 2019, est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2021, et concerne les 6,6 millions de Français qui bénéficient de ces aides. L’évolution du calcul de ces prestations permet leur délivrance « en temps réel », à travers la prise en compte des revenus sur les douze derniers mois et leur réexamen trimestriel. Cette réforme vise donc à la « contemporanéisation » du calcul des droits aux aides logement, afin de faire correspondre le montant des aides au logement à la situation actuelle des allocataires et ajuster plus rapidement les sommes en cas de changement de situation financière. Elle permet un progrès évident dans la justesse des versements de ces aides, même si cette réforme fait aussi des perdants, parmi une population particulièrement vulnérable.

Une délivrance des prestations « en temps réel » permise par des informations fiables et actualisées.

La réforme prévoit un changement important dans les ressources prises en compte pour le versement de ces trois prestations : une actualisation sera effectuée tous les trimestres, en prenant en compte les revenus des 12 derniers mois glissants, alors que ces prestations étaient auparavant calculées sur les revenus remontant à deux ans, avec une révision annuelle.En pratique, l'APL qui sera perçue de janvier à mars 2021 sera calculée en fonction des revenus reçus entre décembre 2019 et novembre 2020. L’aide sera ensuite recalculée au mois d'avril, sans démarche de la part des bénéficiaires, en fonction des montants perçus entre mars 2020 et février 2021.

Ces évolutions sont notamment permises par la mise en place de la DSN (Déclaration sociale nominative, portant les éléments de salaires, généralisée aux entreprises privées en 2017) et la déclaration PASRAU (portant les revenus de remplacement, initialement mise en place pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2019), qui fournissent un flux d’informations certifiées et actualisées sur lesquelles se fonde le nouveau mode de calcul des aides au logement.

Les impacts de la réforme pour les allocataires : une simplification des démarches et des « perdants » dans un contexte d’économies.

Le gouvernement a annoncé qu’un peu plus de 50% des ménages verront le montant de leurs aides au logement changer en 2021[2]. Ceux dont les revenus ont baissé depuis 2 ans pourront ainsi bénéficier de l’automaticité du réexamen de la baisse récente des revenus dans le nouveau dispositif. Mais pour certains allocataires, la réforme conduira à une diminution du montant des aides. Par exemple ceux dont la situation financière s’est améliorée depuis 2019, ou encore ceux qui entrent sur le marché du travail (et qui touchent pour la première fois un salaire) et qui ne bénéficieront plus du décalage de 2 ans dans la prise en compte des ressources.

Toutefois des mesures sont prévues pour atténuer les « pertes » de certains bénéficiaires : les étudiants par exemple bénéficieront, même s’ils sont salariés, d’un forfait pour la prise en compte de leurs revenus pour le calcul de leur APL.Au global, l’économie totale est estimée entre 500 et 700 millions d’euros par an, à la baisse par rapport au milliard d’euros d’économie prévu en juillet 2019 – notamment du fait de la situation sanitaire et sociale, qui a entrainé la diminution des revenus de nombreux ménages.

Cette contemporanéisation du mode de calcul des aides au logement devrait toutefois permettre une simplification des démarches pour les allocataires (le calcul de leur aide se fera automatiquement) et une amélioration du recours aux prestations sociales.

Après la réforme des aides au logement, une utilisation attendue du potentiel des données sociales pour moderniser la protection sociale.

Après la contemporanéisation du calcul des droits aux aides au logement, une trajectoire plus ambitieuse de modernisation de la délivrance de diverses prestations sociales est envisagée, à travers notamment l’élargissement des aides concernées par la contemporanéisation. D’ici à 2022, d’autres prestations seront ainsi attribuées et calculées de façon plus réactive : prime d’activité, CMU-C, RSA, AAH.

Dans le sillage de cet élargissement, une réflexion est à l’œuvre pour réformer plus en profondeur les minimas sociaux et les dispositifs d’aides sociales. Elle vise une plus grande exploitation des données sociales partagées entre les organismes, afin de favoriser la lisibilité et la simplification et adresser l’enjeu du non-recours aux prestations.

L’amélioration du recours aux prestations sociales impose en effet un travail de simplification, c'est-à-dire notamment d’harmonisation des ressources prises en compte pour l’attribution des prestations sociales, qui sont aujourd’hui hétérogènes (revenus imposables, non imposables, revenus du patrimoine).

Enfin, si l’on considère qu’une prestation « juste » doit toucher son public cible, la lutte contre le non-recours doit également s’appuyer sur un partage renforcé des données sociales entre organismes : quand le non-recours est subi, le partage de données entre organismes sociaux peut en effet permettre de détecter l’éligibilité des individus à des prestations.

Pierre-Luc Delage, Laure Manach, 07.01.2021

[1] Les aides au logement recouvrent trois types de prestations : l’aide personnalisée au logement (APL), attribuée en raison de la situation du logement ; l’allocation de logement familiale (ALF), attribuée en fonction de la situation familiale ; et l’allocation de logement sociale (ALS), pour les personnes en difficulté non éligibles aux APL ou ALS.

[2] Le dossier du presse du ministère du Logement détaille plusieurs cas de figure.

Pour aller plus loin :

Crédit photo : CHUTTERSNAP sur Unsplash

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