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RETRAITE & AUTONOMIE

ÉTUDE

Dépendance : concrétiser le concept de silver assurance

La France vieillit mais veut bien-vieillir

La France vieillit. La dynamique est bien connue, alimentée principalement par l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement de la génération du baby-boom.Ainsi, selon un bilan publié par l’Insee en début d’année, plus d’un cinquième des Français avait 65 ans et plus au 1er janvier 2020. Ce phénomène ne concerne pas uniquement la France puisque la part des personnes âgées de plus de 65 ans a également augmenté dans l'ensemble des pays de l'Union européenne depuis une quinzaine d'années, de 16,2% en 2003 à 19,7% en 2018.La France vieillit donc, et les Français ne sont pas optimistes. Ainsi, selon une étude Ipsos publiée l’année dernière :

  • Plus de 4 Français sur 5 sont pessimistes à l’idée de vieillir ;
  • Perte d’autonomie, perte de mobilité et perte de mémoire sont les trois éléments associés à la vieillesse qui inquiètent le plus les Français ;
  • Seul 1 Français sur 5 pense qu’il sera en bonne santé lorsqu’il sera âgé.

Face à cet état de fait, force est de constater que les problèmes qui se posent ne sont pas simples : comment améliorer et protéger dans la durée la qualité de vie des personnes vieillissantes ? Autrement dit : comment bien vieillir ?Cette question d’autant plus complexe que le bien-vieillir est un concept assez flou recouvrant des situations très diverses et évolutives qui vont du simple besoin de lien social, à la perte partielle ou totale d’autonomie ou à des effets plus indirects tels que la situation des aidants.

Le monde de la protection sociale publique et privée s'empare peu à peu du sujet

À l’instar de la séquence de 2019 sur la réforme des retraites, qui a rappelé aux Français l’importance de mieux préparer leur retraite, l’accent mis par l’État au printemps dernier sur la dépendance – couplé à une crise sanitaire qui met en relief la piètre situation de l’accompagnement du grand âge en France – a propulsé ce sujet au centre des enjeux du monde de la protection sociale. Aussi bien pour les acteurs publics, avec  la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à l’autonomie, que pour les acteurs privés qui cherchent activement à proposer des produits et services plus adaptés.

Néanmoins, le rôle de chacun de ces acteurs reste encore flou. Certes, la création de cette cinquième branche plante le pilier d’un régime obligatoire mais il est encore difficile d’en deviner précisément les contours et impacts réels s’agissant précisément de la dépendance liée au vieillissement puisqu’elle intègre également les situations de dépendance liées à l’état de santé et au handicap. Une loi autonomie et grand âge prévue pour 2021 viendra sûrement désépaissir cela.

Concernant la famille des assureurs et mutualistes, il semble, à ce stade, que les attentes de l’État soient bien différentes de celles en vigueur dans le domaine de la santé si l’on en croit notamment le contenu des rapports de référence (Libault et Vachey). Néanmoins, Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et structure à la manœuvre de cette nouvelle branche) esquisse une piste en invitant les mutuelles et assureurs à miser sur le développement de services dans le domaine de la prévention ou de l’aide à la personne en adoptant une approche spécifique, segmentée par branches professionnelles, par exemple, ou par territoires.

Offres bien-vieillir des assureurs : miser sur les services plutôt que sur les produits financiers

Cette orientation des offres dépendance/bien-vieillir vers les services, plutôt que vers les produits d'assurance à proprement parler, semble d’ores et déjà avoir été anticipée par les assureurs/mutuelles. Les produits existent, mais la souscription reste faible ou cantonnée à des garanties ou options incluses dans les contrats santé ou prévoyance. En ce qui concerne donc les services, il y a beaucoup à faire. Par exemple sur la perte d’autonomie, l’aménagement du domicile, l’aide à domicile au quotidien (ménage, courses, toilette, repas…), la prévention santé liée au grand âge (suivi médical, participation à des ateliers sur le thème de la santé, de la nutrition), ou encore sur le maintien du lien social.

Pour développer ces offres de services, le secteur n’a que l’embarras du choix dans l’écosystème des startups qui s'est très fortement développé avec le boom de la silver économie. Beaucoup de services innovants ont émergé ces dernières années sur le marché des seniors et du grand âge. Ils se divisent en quatre catégories principales :

  • Le maintien de l’autonomie ;
  • Le maintien du lien social ;
  • L’amélioration de la prise en charge par les EHPAD ;
  • Le développement de nouveaux dispositifs médicaux.

Distribuer les offres bien-vieillir : une marche reste à franchir

Pour autant, le développement des offres dépendance/bien-vieillir va bousculer encore un peu plus les réflexions actuelles des assureurs sur leur capacité de distribution. Le lancement des nouveaux PER a déjà montré les difficultés d’élargir et de maîtriser un discours commercial portant une vision d’ensemble de la retraite qui permette aux clients de se projeter et de reconnaître l’utilité de ces produits. Ici les maux sont les mêmes : l’appropriation du risque dépendance reste difficile car il est lointain et se trouve à équidistance de la santé, de la prévoyance et de la retraite, ce qui complique la compréhension des offres.Face à ces difficultés, des stratégies émergent qui débordent le strict cadre des offres bien-vieillir :

  • L’hyper-segmentation, par le recours aux big data et à l’intelligence artificielle, qui permet à l’assureur d'individualiser au maximum son offre (au bon moment, à la bonne personne, au bon endroit) ;
  • L’abandon d’une approche purement produit (déclinaison de sa gamme de produit d’assurance) pour une approche par moments ou séquences de vie (où chaque séquence équivaut à des produits adaptés et combinés entre eux).

Nous développerons dans un prochain article ces nouveaux enjeux de la distribution.En tout état de cause, la concrétisation d’un horizon de développement pour les offres dépendance/bien-vieillir est l’occasion pour le secteur de l’assurance de personnes de revisiter et mieux appréhender le concept de la silver assurance.

15.12.2020

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Crédit photo : Matthew Bennett sur Unsplash

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