‍Interview Aymeric Morin - France Travail, Directeur Général adjoint délégué en charge de l'offre de services

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Interview YCE Partners réalisée dans le cadre du dossier en partenariat avec le CRAPS « Quel rôle des acteurs de l’intérim dans l’accompagnement vers le retour à l’emploi et quelle complémentarité avec France Travail ? »

Q : Avec plus de 10 000 agences à travers les territoires, en quoi les entreprises de travail temporaires sont des partenaires de France Travail pour réduire les tensions entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi ?

R : Les acteurs du travail temporaire sont des partenaires historiques de France Travail. Notre coopération s’est intensifiée dans le cadre de la structuration du réseau pour l’emploi. Le travail temporaire est souvent un marchepied essentiel pour de nombreux demandeurs d'emploi, notamment les plus éloignés, vers un emploi durable. Nous ne voyons pas d’opposition entre l’intérim et l’emploi pérenne, mais plutôt une articulation dans une logique de parcours. Les agences d’emploi ont une connaissance fine du tissu économique local et des besoins des entreprises. Elles jouent donc un rôle clé dans la réduction des tensions de recrutement. Notre objectif commun est clair : permettre aux demandeurs d’emploi de retrouver un travail et aux entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin. Dans ce contexte, un rapprochement de nos offres de services doit permettre de gagner en efficacité pour répondre à cet enjeu.

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Q : Face aux mutations du marché de l’emploi et aux défis croissants de l’insertion professionnelle, France Travail et Prism'emploi ont renforcé leur coopération avec une nouvelle convention-cadre signée en mars 2025. Quels sont les principaux enjeux de cette convention ?

R : Notre partenariat avec les acteurs du travail temporaire s’articule autour de cinq axes.

Le premier concerne la réponse aux tensions de recrutement, un enjeu central. L’objectif est de renforcer notre collaboration en matière de sourcing partagé des candidats, afin de mieux répondre aux besoins des entreprises. L’exemple des Jeux Olympiques illustre bien cette capacité de mobilisation conjointe qui a permis de répondre aux besoins importants pendant cette période exceptionnelle, notamment dans le secteur de la sécurité. Ce type de synergie s’applique également à d’autres secteurs en tension comme la logistique ou l’industrie.Dans cette logique, une expérimentation est en cours pour permettre à certaines agences d’intérim un accès facilité à notre base de demandeurs d’emploi, sous réserve de l’accord explicite de ces derniers. Deux acteurs majeurs, Adecco et Synergie, participent activement à ce pilote.

Le second axe repose sur le croisement de nos publics et de nos offres de services. Nous coopérons sur des dispositifs particulièrement efficaces comme par exemple les immersions professionnelles (PMSMP). Ce dispositif permet aux employeurs de rencontrer des profils et d’évaluer leur adéquation au poste, sans engagement contractuel ni contrainte juridique, France Travail se substituant à l’employeur pour les aspects réglementaires. C’est également une opportunité précieuse pour les candidats de découvrir un environnement professionnel, de se familiariser avec les métiers et les missions qui y sont associées. Nous développons ces actions en étroite coopération avec les agences d’intérim. Nous mobilisons également laMéthode de Recrutement par Simulation (MRS), qui permet d’évaluer les habiletés des candidats indépendamment de leur expérience ou de leur formation initiale.Ce dispositif est particulièrement adapté aux personnes éloignées de l’emploi. LesPréparations Opérationnelles à l’Emploi (POE) constituent un autre levier structurant. Il s’agit de formations courtes, ciblées sur les besoins spécifiques d’un poste, co-construites avec les entreprises. Ces actions favorisent une prise de poste rapide et une meilleure adéquation entre les compétences acquises et les attentes de l’entreprise. Ces différents dispositifs, qui ont fait leurs preuves, permettent à la fois aux entreprises d’identifier les candidats adaptés à leurs besoins et aux demandeurs d’emploi de découvrir de matière très concrète un métier ou un secteur d’activité et de se projeter.

Le troisième axe concerne l’amélioration de la visibilité des offres d’emploi. Les agences privées de l’emploi adressent chaque année à FranceTravail un flux de plus de trois millions d’offres, soulignant leur rôle central dans le marché de l’emploi. Nous œuvrons à optimiser l’exposition de ces offres auprès des demandeurs d’emploi et à renforcer la pertinence des candidatures adressées aux employeurs, afin de mieux répondre à leurs attentes et d’augmenter l’efficacité des mises en relation.

Le quatrième axe repose sur une collaboration pour l'accès des publics les plus éloignés de l’emploi. L’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi, notamment les bénéficiaires du RSA et les travailleurs en situation de handicap, constitue l’un des piliers de notre coopération avec les acteurs de l’intérim. Les ETTI (Entreprises de Travail Temporaire d’Insertion) jouent un rôle central dans cette dynamique. Elles sont des partenaires historiques, déjà fortement mobilisées sur ces enjeux. Mais notre ambition est d’élargir le spectre, en intégrant également les agences d’intérim « classiques » dans un continuum de solutions. Cela permet de proposer une réponse plus massive et plus souple, adaptée à la diversité des situations des personnes accompagnées. Plus largement, dans le cadre de l'accompagnement rénové des allocataires du RSA, nous travaillons dans une quarantaine de territoires pilotes avec les agences d’emploi pour identifier des entreprises prêtes à accueillir ces publics dans une logique de parcours vers l'emploi durable. Notre objectif commun est clair : ouvrir le champ des possibles pour les publics fragilisés, en s’appuyant sur la réactivité, la capacité d’innovation et l’ancrage territorial des acteurs de l’intérim, pour bâtir des solutions d’insertion pérennes.

Enfin, le cinquième axe porte sur la territorialisation de l'action, qui passe par une coopération quotidienne, entre les agences de France Travail et les agences d’emploi privées. Au regard de la puissance du réseau des agences d'intérim, cette coopération est essentielle.

Q : Quel est le rôle de France Travail concernant plus spécifiquement la formation professionnelle et l’accompagnement au développement des compétences et quelle complémentarité avec les acteurs de l’intérim ?

R : La formation professionnelle est au cœur de notre stratégie, notamment sur les métiers en tension. Dans un contexte budgétaire contraint, France Travail met de plus en plus l’accent sur les formations individuelles, préalables à l’embauche, pour un effet direct et rapide sur le retour à l’emploi. Les agences d’intérim, via leurs propres organismes de formation ou leurs partenaires, jouent un rôle essentiel dans ce dispositif. Nous menons aussi des expérimentations croisées, associantFrance Travail, entreprises utilisatrices, organismes de formation et agences d’intérim. Des modèles innovants comme « Cuisine-Mode d’emploi » illustrent la pertinence de ces approches nouvelles, en construisant des parcours intégrés de formation et d’accès à l’emploi.

Q : Quelles sont les conditions d’un partenariat efficace avec les acteurs du travail temporaire ?Quels sont les axes de développement pour la suite (ex : innovations, expérimentation sur le partage de données, évènements, etc.) ?

R : Nous travaillons ensemble sur des approches innovantes, notamment en matière de recrutement augmenté par la donnée et l’IA. Les agences ont développé des outils similaires aux nôtres (préqualification, matching, etc.) : nous partageons les mêmes objectifs et avons tout intérêt à croiser nos expériences et nos bonnes pratiques.

Dans cette même dynamique, France Travail développe actuellement un CRM commun aux opérateurs du réseau pour l’emploi, pensé comme un outil de partage d’informations sur les entreprises et les besoins de recrutement. L’objectif est de créer une vision commune du marché, où chaque acteur ne travaille plus en silo. Même si ce CRM concernera dans un premier temps les opérateurs publics, nous envisageons d’associer les agences privées à sa conception pour garantir l’interopérabilité et la cohérence d’ensemble.

Par ailleurs, nous travaillons dans une logique d’aller vers les entreprises, ce qu'on appelle notre « team entreprise », qui vise à mutualiser les efforts de prospection auprès des employeurs, pour leur présenter l'offre de service commune au réseau pour l'emploi. L’idée est simple : lorsqu’un acteur du réseau rencontre une entreprise et identifie un besoin, cette information doit pouvoir circuler dans tout l’écosystème, afin d’apporter collectivement une réponse rapide et adaptée aux besoins de l'employeur.

Notre stratégie de relation employeur s’est d’ailleurs largement inspirée des bonnes pratiques développées par les agences d’intérim, en termes de proximité, de réactivité et de compréhension des besoins. À terme, nous souhaitons partager davantage la connaissance des publics et des entreprises, dans l’objectif de renforcer l’efficacité collective.

Au fond, l’enjeu n’est pas de savoir qui place un candidat ou répond à un besoin, mais bien que chaque personne retrouve un emploi et que chaque entreprise trouve la compétence qu’elle recherche. C’est cette philosophie partagée qui guide notre action.

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 Lien vers le magazine du CRAPS(dossier p. 102-122) : https://www.thinktankcraps.fr/wp-content/uploads/2025/07/MAgazine-juillet-2025-web-3007-15h00.pdf

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